Au revoir chère administration française

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C’est ma dernière semaine de travail pour l’administration française. Voilà un peu plus de 2 ans et demi que je suis passé de l’autre côté, du privé au public. Une première année à travailler aux affaires maritimes pour améliorer le sauvetage en mer, et le reste du temps à Etalab, en charge de la politique des données en France. Voici plusieurs choses qui m’ont marqué.

Un meilleur citoyen

La première chose que je retiens est qu’avoir été un agent public a fait de moi un meilleur citoyen. J’ai l’impression d’avoir beaucoup grandi en comprenant en profondeur le rôle des institutions, la séparation des pouvoirs, les sources de revenus et les dépenses de l’État, la gestion des politiques publiques. C’est un milieu extrêmement complexe mais je l’appréhende désormais bien mieux qu’il y a quelques années. Je ne pense pas que la lecture d’un livre ou mes anciens cours d’éducation civique aient pu remplacer l’expérience de travailler dans la fonction publique d’État pendant plusieurs années. J’ai aussi eu l’immense plaisir de visiter quelques bâtiments qui marquent l’histoire de l’administration française : l’Assemblée nationale, la Cour des comptes, le Mobilier National et plusieurs hôtels particuliers et ministères. Un patrimoine immobilier qui fait la fierté de la France, emplis de moments forts.

Une grande famille

J’ai eu le privilège d’échanger avec des métiers que je ne côtoyais pas, des métiers marquants, au service des citoyens. J’ai beaucoup retiré des échanges, aussi courts soit-il, que j’ai eu avec des pompiers, militaires, marins, pilotes d’hélicoptères, magistrats, juristes, personnalités politiques et élus. En tant qu’ingénieur en informatique, ces métiers sont très éloignés de mes collègues ordinaires, j’en ai donc tiré une richesse particulière.

J’ai eu l’impression d’appartenir à une grande famille, celle de la fonction publique. J’avais 5,65 millions de collègues, et je me suis souvent senti bien peu utile par rapport à d’autres. J’ai eu des périodes où j’avais du mal à me convaincre que mon travail été aussi nécessaire que des salariés de l’éducation nationale, des hôpitaux, de la recherche ou des secours. J’ai parfois eu honte de mon très bon salaire comparé au salaire des autres, contraint, figé, exerçant leurs métiers dans des conditions de pénibilité bien loin des miennes. Dans tous ces moments, je me suis rappelé que le premier mandat était d’aider les citoyens et j’ai souvent dédié du temps et de l’énergie à faire en sorte que d’autres agents puissent réaliser cette tâche dans de meilleures conditions. Ça n’a pas pour autant répondu à tous mes questionnements.

Analyser des données et mettre à disposition des autres

J’ai eu l’honneur de travailler avec des données d’exception. Des données produites par l’administration, réservées à son usage car contenant des secrets, ou qui devraient être mises à disposition de tous. J’ai mesuré la responsabilité que je portais : analyser de manière adéquate ces données afin de faire évoluer des politiques publiques et faire le nécessaire pour que ces données soient mises à disposition de tous sans contraintes, dès que possible.

Recruter

Le recrutement est un sujet qui me tient à coeur. J’ai participé au programme Entrepreneurs d’intérêt général dont le but est d’ouvrir l’administration à des talents du numérique. J’ai organisé un sondage pour mieux connaître les attentes de professionnels qui envisagent de rejoindre l’administration. Je pense que l’administration française a une marge de progression importante concernant le recrutement de contractuels, pour les métiers du numérique. Sur la forme des contrats (le recrutement en CDI ou la transformation d’un CDD en CDI est quasi inexistante), la rémunération (aléatoire d’une structure à l’autre, parfois déconnectée de la réalité du marché) et la possibilité de faire du télétravail (un décret fixe un maximum de 3 jours par semaine pour le moment).

Il existe également la possibilité de travailler en freelance, pour s’affranchir du plafond d’emploi d’une structure (le plafond d’emploi fixe un nombre maximum de personnes employées, toutefois on peut utiliser du budget pour rémunérer des prestataires). Dans cette situation, j’ai l’impression que l’argent public n’est pas utilisé à bon escient à payer un développeur prestataire entre 600 et 800 € HT / jour. Quand ce n’est plus, lorsque la personne est portée par une structure intermédiaire. Il me manque sûrement des connaissances dans les finances et les marchés publics pour comprendre ce scénario.

J’ai eu le désir d’inviter des connaissances à rejoindre un temps la fonction publique. Pour participer à des missions intéressantes, améliorer la société, s’ouvrir l’esprit. J’ai eu un mal fou à les diriger vers des offres pertinentes (trouver des offres tout court ! Je connais la PEP, oui), les rassurer sur la forme du contrat qu’ils pourraient avoir ou le salaire qui serait proposé. C’était pour moi une source de frustration et je regrette de ne pas avoir compris complètement la justification de cette situation. Mais surtout, ce qui me chagrine c’est de trop rarement avoir la possibilité de faire des produits utiles au sein de l’administration, en recrutant des personnes compétentes et motivées.

Merci

Merci pour l’opportunité. Merci de m’avoir donné la possibilité de progresser dans mon métier et d’en apprendre tant sur le rôle de la fonction publique. Merci à toutes les personnes rencontrées, les nouveaux amis, les agents dévoués. Merci d’assurer la continuité du service public.

Je sais dorénavant à quoi servent mes impôts, à quel point l’administration c’est compliqué, mais à quel point c’est utile et tout ce qu’on peut encore améliorer.

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